Routes et étapes vers le Portugal

Ça brame pour moi.

 

Au bout d’une journée il faut se caser. Planter le chapiteau pour la nuit.

Dans cette région les abris organisés sont rares et il faut tenter sa chance en pleine nature.

Je prends ce chemin sans issue. Autrefois cette clairière résonnait de cris d’enfants et de maillets martyrisant des sardines d’acier.

Aujourd’hui le terrain est à l’abandon et les bornes électriques se sont tues il y a longtemps. Seuls des robinets distribuent encore l’eau qui chasse la fatigue.

Je me plante dans le décors. Au fonds à droite. Discret et lointain. Tout au bord d’une forêt dont la lisère est semée de bruyères. Le bois parfumé se perd au loin et bruisse dans le va-et-vient de ses frondaisons. 

Des cavalières passent, invisibles, bavardes et rieuses. Leur trot léger éclate les feuilles déjà sèches d'un été trop chaud.

Épuisé par les kilomètres, je m'enfonce dans la couette et un sommeil profond.

Quand, au milieu de la nuit, un son rauque et désagréable me met sur le qui vive.

Un brame. Pas si lointain, puissant comme une plainte. Bizarre et incongru. Pendant de longues minutes le cerf que j’imagine aussi grand que son cri me tient en alerte puis, comme une berceuse, me fait me retourner et m’endormir.

 Un rêve éveillé qui rejoint le chœur des loups que j’ai eu la chance d’entendre au fond d’un cratère désert au centre de la Turquie il y a quelques semaines.

Deux émotions identiques à plusieurs milliers de kilomètres de distance, deux forces de la nature, rares et brutes. Uniques.

Une fois la frontière franchie, les sourires reviennent.

Le Portugal

Trois jours, deux nuits.

 

Je me demande sur quelle planète je suis.

Je viens de traverser une France rapide, encombrée, survoltée dans les villes et agacée dans les ronds-points. Il faut dire que la nature n’est pas très flatteuse le long de cette diagonale qui traverse Bourges et aboutit à Hendaye en passant par Bordeaux encombré sur des dizaines de kilomètres. Un Bordeaux bouchonné…

De ma traversée du Nord de l’Espagne me reste le souvenir de kilomètres longeant de magnifiques villages et paysages colorés et vides. Burgos m’a tenu éveillé avec ses fanfares pourtant lointaines mais tellement enthousiastes à m’empêcher de trouver le sommeil.

Puis le Portugal.

Directement vert et vallonné. Que la France semble fade !

Les commerces sont, de suite, aimables, souriants, on me dit bonjour dès que je descends de la moto. Au feu rouge, on ne me klaxonne pas quand j’hésite sur mon itinéraire.

Où suis-je ?

Le café est à 0,90€ et le pain d’un kilo à 1€, sourires et “obrigado’ compris…sur quelle planète ai-je atterri ?

Alors bien sûr, ça ne fait que deux jours et trois nuits mais les campings propres à l'accueil sympathique, les villages parsemés de terrasses modestes et accueillantes nettoient les traces de la morosité Baltique, de la rigueur Ottomane et de la maussaderie Géorgienne vécue ces derniers mois.

Statistiquement, deux jours pour refuser une invitation à partager un petit déjeuner mais pour en accepter une autre de deux compères au troquet de la place centrale (déserte et silencieuse) de Sao Jao de Pisqueria et découvrir un vin blanc du cru, statistiquement, le résultat est très favorable.

C’est autant qu’en un mois de Géorgie, et encore !

Je suis dans la vallée du Douro.

Deux jours de belle augure.

 

En résumé et en couleurs

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